LE NON-PROJET DU 'NON'

1/ L’Accord De Nouméa prépare à l’indépendance !

Il faut tout d'abord le poser et le marteler, l’ADN est clairement orienté vers la préparation de l’indépendance. Citations :
- «  un partage de souveraineté avec la France, sur la voie de la pleine souveraineté » (…) «  La France est prête à accompagner la Nouvelle- Calédonie dans cette voie ».
- La « reconnaissance de sa souveraineté [du peuple Kanak -ndlr], préalable à la fondation d'une nouvelle souveraineté, partagée dans un destin commun ».
- « une solution négociée, de nature consensuelle, pour laquelle ils appelleront ensemble les habitants de Nouvelle- Calédonie à se prononcer ».
- « Les institutions de la Nouvelle-Calédonie traduiront la nouvelle étape vers la souveraineté »
- [les compétences régaliennes -ndlr] « resteront de la compétence de l’État jusqu'à la nouvelle organisation politique résultant de la consultation des populations intéressées. »
- « des Néo-Calédoniens seront formés et associés à l'exercice de responsabilités dans ces domaines, dans un souci de rééquilibrage et de préparation de cette nouvelle étape. »
- « L’État reconnaît la vocation de la Nouvelle-Calédonie à bénéficier, à la fin de cette période, d'une complète émancipation ».

Ainsi, la « feuille de route » de l’ADN commandait t-elle de préparer le pays, depuis 1998, pour que les politiques appelent tous ensemble la population au « oui ».
Et pourtant, certains signataires y sont maintenant opposés, dont l’État Français … mais pas les français.
Le sens des 3 consultations est aussi là : il s’agissait d’ajouter éventuellement du « temps au temps » afin de balayer les dernières hésitations si, au bout de 20 ans, des retards avaient été pris. Pour enfin aboutir à une décolonisation et une indépendance réussies par la France, dans la logique de ses Lumières d’antan.
Dans ce contexte, la coalition hétéroclite du ‘Non’, qui va du parti « Calédonie Ensemble » modéré mais minoritaire, au groupement « Les loyalistes » (lequel inclut une forte extrême droite), en passant manifestement par l’État Français, est déjà dans une sorte de trahison de cet écrit signé.
Le plus effarant pour l’avenir est sans doute dans le ‘projet’ des Loyalistes’, navrant de régressions, d’immaturité voire de rejet communautaire, et complètement inadapté à la situation.

2/ Le projet des ‘loyalistes’ est inapplicable OU explosif !

Un projet inapplicable

Bricolé avec le Front National, et d’ailleurs agrégeant des partis qui n’ont souvent rien à lui envier, il se réclame d’une unité qu’ils n’ont pas : Calédonie Ensemble, qui représente encore un bon tiers des non indépendantistes (lesquels étaient 56,6 % en 2018), condamne et parle de projet de partition !
Ce programme est d’ores et déjà inapplicable et donc caduque, car représentant moins de 40 % de la population. Ce qui ne les empêche pas d’afficher « construisons un consensus sur un avenir partagé ».
Partagé ? … En deux donc.

De plus ce projet arrive bien tard pour être crédible ; en 2018, leurs opposants critiquaient celui des indépendantistes sans en avoir publié eux mêmes aucun ; puis les indépendantistes ont étoffé le leur, et les loyalistes amorcent, à 3 semaines de la consultation, un petit carnet de 38 pages constitué pour plus de la moitié d’images, et contenant plusieurs propositions de routine qu’ils n’appliquent déjà pas alors qu’ils ont été au pouvoir de nombreuses années.
Mais il y a aussi quelques esquisses dangereuses, issues des rancœurs d’un « non » de 2018 insuffisamment affirmé pour eux et donc frustrant.

Un projet explosif

Son extrémisme rendrait inévitable une révolte des indépendantistes, ce que le parti « Calédonie Ensemble », hélas marginalisé, a compris pour sa part, allant jusqu’à le qualifier de projet raciste !
Par bonheur, il faudrait de toutes façons attendre un 3ème scrutin éventuel, avec un 3ème ‘Non’ éventuel, pour que les ‘Loyalistes’ tentent de mettre en œuvre leur vision de ce qu’ils appellent par euphémisme la « cohabitation ».

De quoi s’agit-il exactement ?
- « Refondre le ré-équilibrage »
est l’euphémisme des Loyalistes, dont la proposition, sous le titre « Calédonie unie » (!) est accompagnée de moyens qui vont en sens inverse : chaque province, déjà très autonome, aurait davantage de compétences propres.
Si l’idée reste vague, elle fait manifestement appel aux propos récents d’un Pierre Frogier (signataire de l’ADN), voire d’un Pierre Brétégnier (ex Bras Droit de J. Lafleur) : il s’agirait en fait de créer trois petits états dans une fédération avec la France, lesquels pourraient être souverains en matière de citoyenneté et d’immigration notamment, mais aussi autonomes financièrement, ce qui éviterait à la Province « riche » de participer au ré-équilibrage. Problème : le gouvernement du pays disparaîtrait, et la France reprendrait en direct, via le Haut Commissaire, ses compétences diminuées. Pas vraiment l’ADN, plutôt un « chacun chez soi ».
- Le nombre d’élus serait aussi « ré-équilibré », en faveur de la Province Sud, dans le but de permettre à une majorité claire (que l’on devine) de diriger seule : c’est la fin de la collégialité, inventée après les événements pour que chacun soit pris en compte.
Bien sur, les ‘loyalistes’ protesteraient vigoureusement si nous devenions majoritaires et appliquions ce principe, d’ailleurs bien peu océanien, que la France nous a déjà imposé aux municipales.
C’est ainsi que le « Destin Commun » de l’ADN redevient pour eux un simple « Avenir commun » (Dixit Mme Backès) où chacun serait de son côté, et commandé sans discussion par la majorité.
- Concernant la citoyenneté, il s’agit de rétablir un corps électoral glissant, dans « leur » province au moins, sans préciser la durée de présence, mais plusieurs documents évoquent 10 ans. Noyade assurée pour tous les calédoniens ... du sud, car d’emblée, près de 40 000 « résidents » métropolitains actuels seraient intégrés.
Le calcul est simple : s’ils perdent la majorité dans le pays, ils savent qu’ils la garderont en province sud, et veulent en faire un bastion de leurs concepts. Cela n’a pas fonctionné quant la france a suscité une tentative de secession de l’ile de Santo lors de l’indépendance du Vanuatu, ni au Sahara avec l’Algérie, mais cela a marché aux Comores, dont l’annexion est toujours rejetée par l’ONU.
Au passage, le message lancé aux « loyalistes » broussards est : débrouillez vous avec les Kanak, ou laissez vos domiciles ancestraux et rejoignez Nouméa ! De quoi les faire basculer vers … l’indépendance !

Autres régressions programmées :
- La coutume, on s’en doutait, n’est bienvenue que pour les règlements intérieurs de la tribu. Que les coutumiers expriment leur volonté sur, par exemple, l’arrivée de bateaux de tourisme (voire d’avions) qui les impactent, ou sur l’exploitation du Nickel qui les touche aussi, sera sûrement combattu ! Et pourtant, sur ces thèmes justement, ils ont récemment fait la preuve de prises de position sages et déterminantes pour le pays, qui ont largement contribué à ce que le pays soit épargné par la Covid.
- L’emploi local ne pourra qu’être marginalisé : il est déjà largement contourné et discrètement combattu, avec pour but l’immigration de centaines de milliers de métropolitains. Et pourtant, les « loyalistes », conscients que ce point est sensible pour bien des calédoniens, n’hésitent pas à écrire, sans précisions bien sûr, « La Calédonie dans la France garantit l’emploi local ».
- Le logement est à la même enseigne, malgré le slogan «  La Calédonie dans la France c’est un logement pour tous en résorbant les squats / en construisant des logements adaptés aux modes de vie océaniens. Si c’était vrai, ça se verrait : mais les squats se développent depuis des années, et on voit surtout pousser les ‘cages à poules’ inadaptées le long de la voie express.

Après tant d’années d’efforts et de construction, leur ‘partition soft’ du pays, contraire aux recommandations de l’ONU, balayerait aussi l’ADN, pourtant censé verrouiller le débat post-référendaire en cas de « non » trois fois répété.
Car l’ADN est formel :
- « Le résultat de cette consultation s'appliquera globalement pour l'ensemble de la Nouvelle-Calédonie. Une partie de la Nouvelle-Calédonie ne pourra accéder seule à la pleine souveraineté ou conserver seule des liens différents avec la France, au motif que les résultats de la consultation électorale y auraient été différents du résultat global.
 ».
Et pour la suite, s'il y a trois 'Non', l'ADN prévoit alors que « les partenaires politiques se réuniront pour examiner la situation ainsi créée » ... et cadre le débat proposé : « Tant que les consultations n'auront pas abouti à la nouvelle organisation politique proposée [NDLR : la pleine souveraineté, proposée par la question à la consultation], l'organisation politique mise en place par l'accord de 1998 restera en vigueur, à son dernier stade d'évolution, sans possibilité de retour en arrière, cette "irréversibilité" étant constitutionnellement garantie ». La solution ne pourrait alors être qu’entre les acquis de l’ADN et l’indépendance.

Mais Pierre Frogier, signataire de l'ADN, l’a affirmé : quel que soit le résultat, personne ne le respectera ! Avant, les loyalistes expliquaient que les indépendantistes refuseraient le « non ». Mais tout s’est passé dans le calme à la première consultation, qu’ils ont pourtant perdue.
Maintenant, l’on sait que les loyalistes envisageraient possible de perdre, et … de ne pas l’accepter.

 

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