Partie a

LA FRANCE EN NC : ÉVITER L’INDÉPENDANCE, QUOI QU’IL EN COÛTE ? -Partie A-

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A) La France contre les règles de l’ONU sur le colonialisme.

INTRODUCTION
La France se veut une grande nation à dimension mondiale, au regard de deux éléments phares et contradictoires de son Histoire : la diffusion au monde en avant-première des droits sacrés de l’Homme, et … son implantation autour du globe, en des terres souvent conquises par la force sur des peuples puis fructifiées via la colonisation.
La Nouvelle-Calédonie, dernière colonie de peuplement qu’elle détient encore (après l’indépendance de l’Algérie), laisse un malaise aux yeux du monde, et illustre cette dichotomie française qui l’entraîne dans la duplicité voire la schizophrénie pour préserver cette ‘grandeur’ paradoxale.

L’obtention aux forceps par la France d’un des 5 sièges de membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU, en 1946, est dûe à la fois à son étiquette (discutée) de co-vainqueur de la guerre, et à son rang dans la population mondiale … grâce à un empire colonial d’alors, qu’elle n’a plus aujourd’hui.
Dans cette position fragile (l’Allemagne a d’ailleurs suggéré fin 2018 que ce siège soit remis à l’Europe par la France), l’on pourrait attendre une France exemplaire à l’ONU. Qu’en est-il ?

    1) La charte de l’ONU de 1946.

Elle traite entre autres des populations des « territoires non autonomes », une litote, de façon assez ferme. L’article 73 b) demande à « développer leur capacité de s'administrer elles-mêmes (...) et de les aider dans le développement progressif de leurs libres institutions politiques ». L’alinéa e exige des puissances administrantes qu’elles communiquent régulièrement à l’ONU « des renseignements (…) relatifs aux conditions économiques, sociales et de l'instruction (…) » sur ces territoires. Une première liste de 74 territoires est établie (résolution 66 du 4/12/1946). La Nouvelle-Calédonie en fait partie, et la France a communiqué des renseignement sur elle cette année là.

    2) La résolution 1514 (14/12/1960)

Elle jette les fondements de la décolonisation : « 1. La sujetion des peuples (…) constitue un déni des droits fondamentaux de l’homme (…) et compromet la cause de la paix (…) ».

L’ONU ajoute : « 3. Le manque de préparation dans les domaines politique, économique ou social ou dans celui de l’enseignement ne doit jamais être pris comme prétexte pour retarder l’indépendance ».
La France au contraire appuiera souvent sur ce point pour garder ses prérogatives.

    3) La résolution 1541 (15/12/1960)

Elle précise quels territoires sont « de type colonial » et donc « dans un état dynamique d’évolution et de progrès vers la pleine capacité à s’administrer eux-mêmes ». Un tel territoire est « géographiquement séparé et ethniquement ou culturellement distinct du pays qui l’administre ».
Manifestement la Calédonie en est, mais la France, profite de sa position éminente à l'ONU :  prétextant du changement de statut de la Calédonie, qui devient T.O.M. en 1946, elle estime abusivement que celle-ci est ainsi autonome, et obtient alors sa radiation de la liste des pays à décoloniser... alors même que les autochtones Kanak n'y ont pas encore le droit de vote

Ainsi elle cesse de communiquer les renseignements requis.

    4) La résolution 35/118 du 10/12/1980.

Vue la duplicité de certaines puissances administrantes qui noient le poisson, et surtout l’autochtone dans une immigration massive, l’ONU précise une évidence : elles doivent « décourager ou prévenir l’afflux systématique dans les territoires sous domination coloniale d’immigrants et de colons venus de l’extérieur qui bouleversent la composition démographique de ces territoires et peut être un obstacle majeur à l’exercice véritable du droit à l’autodétermination et à l’indépendance par les habitants (…). ».
La France n’en tiendra aucun compte (jusqu’aujourd’hui) : dès les années 1950 (Jaquinot), puis les années 1972 (Messmer), elle rendre sciemment minoritaire le peuple autochtone.

Cela constitue de facto un « obstacle majeur à l’indépendance », le peuple autochtone votant à plus de 80 % pour celle-ci aux consultations référendaires et les allochtones à près de 80 % contre.

    5) La Résolution 41/41 du 2 décembre 1986.

Elle va sonner la révolte du Pacifique. En pleine rébellion Kanak depuis 2 ans, laquelle a déjà fait plusieurs dizaines de morts et des centaines d’emprisonnés (surtout côté indépendantiste), le Forum des Iles du Pacifique, soutenu par les Pays non alignés, demande à l’ONU de signifier à la France que la Calédonie est bien un territoire à décoloniser. 86 pays voteront la résolution, dont l’Australie, Fidji, l’Indonésie, le Japon, la Nouvelle-Zélande, la Papouasie N-G., les Samoa, les Salomon, le Vanuatu : tous ses voisins ; mais aussi des grandes puissances : l’URSS, l’Inde, la Chine.
Seuls 24 pays votent contre la proposition de l’ONU, dont la France et ses ‘dépendances’ : Côte d’Ivoire, Djibouti, Gabon, Maroc, Sénégal, Togo, Zaïre...

    6) La résolution 15/115 du 10/12/2020.

Elle rappelle à la France qu’elle s’est engagée à « un processus d’autodétermination équitable, crédible, démocratique et transparent ». A voir si ces 4 adjectifs sont vraiment ... qualificatifs pour le 12/12/2021.
En avertissement, l’ONU rappelle au passage qu’en l’absence de toute décision contraire de sa part, la puissance administrante doit continuer à la tenir informée de la situation de la Calédonie.


LIRE SECONDE PARTIE : 
B) La France et les « loyalistes » : duplicités anti-indépendantistes

 

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